Les voies historiques du Sel

LES VOIES DU SEL ENTRE FRANCE ET SUISSE, UNE HISTOIRE EN PARTAGE

Les composantes historiques et patrimoniales de l’espace franco-suisse du sel constituent les incontournables fondements d’un tourisme culturel itinérant valorisant une communauté d’intérêts, d’usages et de pratiques ; elles renferment en outre de riches perspectives de recherche et de collaboration à exploiter dans le cadre du programme Terra Salina.

Les réseaux du sel dans l’espace Terra Salina rayonnent autour de trois ensembles organisés respectivement autour des salines de Franche-Comté, de la « montagne salifère » du Gouvernement puis district d’Aigle et des salines de la région rhénane. Ces trois ensembles ont leur dynamique propre, dont les axes s’entrecroisent rarement. Leur évolution s’inscrit dans une temporalité à échelle variable : tandis que l’exploitation des ressources salifères de la région de Salins débute au cours du 5e millénaire avant notre ère, la production de sel est attestée à Bex à partir du 16e siècle et le gisement salin de Schweizerhalle est découvert en 1836. Il résulte de cette évolution chronologique différenciée que la période comprise entre 1837 et 1895 est la seule durant laquelle les salines de Salins, Montmorot, Arc-et-Senans, Bex, Schweizerhalle et Riburg sont en activité simultanément.

Il importe de relever que ce sont essentiellement les rapports commerciaux entre les salines et leurs clients qui ont contribué à tisser des liens entre individus, communautés et territoires autour de la thématique du sel. Les contacts et échanges entre salines de l’espace Terra Salina sont limités, à l’exception notable des sites faisant partie d’un même ensemble. Cela s’explique notamment par la situation de concurrence qui prévalait entre sites de production. Evoluant chacun dans leur environnement politico-économique et dans le cadre de leurs réseaux, ceux-ci partagent cependant avec leurs concurrents certaines méthodes de production. La naissance du pôle salin bâlois au cours de la première moitié du 19e siècle marque le début du déclin des rapports commerciaux entre la Franche-Comté et les cantons suisses. La cessation d’activité des salines franc-comtoises achèvent de dénouer les liens séculaires qui s’étaient formés autour du commerce franco-suisse du sel. Le canton de Vaud renonce, quant à lui, à poursuivre sur la voie de l’indépendance et à exercer de manière autonome son droit régalien. Il adhère en 2014 à la Convention intercantonale sur la vente du sel en Suisse. Les salines de Bex rejoignent celles du Rhin dans le cadre du groupe Salines suisses SA.

C’est également dans le cadre d’une relation de producteur à client que se sont développés les liens qui unissent industrie du sel, chimie et thermalisme. Ces deux derniers secteurs d’activité représentent un débouché pour la production de plusieurs salines et s’inscrivent en prolongement de leur activité économique. La présence de sel a favorisé l’implantation de l’industrie chimique à proximité des salines de Bex et de Schweizerhalle. Le site industriel Solvay de Tavaux doit également son développement à la disponibilité de ressources en sel, tout comme l’usine de soude établie à Bad Zurzach. Le voisinage entre industrie saline et chimique est une constante illustrant l’importance de ce débouché économique pour les salines. L’industrie chimique n’exclut pas le développement d’établissements de bains faisant usage des eaux salées à des fins thérapeutiques. Industrie chimique et tourisme médical se sont développés parallèlement à Bex, Schweizerhalle, Rheinfelden et Bad Zurzach. A Salins-les-Bains, Lons-le-Saunier, Rheinfelden ou Bad Zurzach, l’usage des eaux salées à des fins thérapeutiques a survécu à la fermeture des sites de production industriels. Industrie chimique et thermalisme constituent ainsi deux composantes majeures et partagées de l’environnement salin.

UNE EXPÉRIENCE À VIVRE EN PLEIN AIR

chemin Terra Salina
photographie roue à eau
colonne Claude Nicolas Ledoux

Les axes majeurs du commerce du sel reliaient les salines franc-comtoises à Berne, par les cols de Jougne ou des Etroits. Ils se caractérisent par un faisceau de chemins. Les voies du sel étaient nombreuses et s’entrecroisent. Plusieurs d’entre elles convergeaient vers Yverdon-les-Bains qui jouait un rôle important comme relais commercial avec ses entrepôts et son port situés à un point de rupture de charge entre voies de terre et d’eau.

Les salines constituent les sites phares de l’espace Terra Salina. Elles peuvent être perçues comme les centres d’attraction de territoires portant l’empreinte de l’exploitation de leurs ressources salifères. En tant qu’objets patrimoniaux, elles contribuent à la valorisation de la région où elles se situent par leur rayonnement culturel et leur attractivité touristique. Elles sont ainsi appelées à jouer un rôle moteur dans le développement du réseau Terra Salina. La composante paysagère est par ailleurs un élément essentiel pour la compréhension et la valorisation du patrimoine du sel.

Source : «Histoires de sel entre Jura & Alpes »  –  Mission de recherche réalisée dans le cadre du projet Terra Salina par Christian SCHÜLE, historien